jeudi 15 décembre 2011

Médiafiction

Notre équipe a lu le dernier numéro anniversaire du magazine Stratégies. A l’occasion, ce dernier a proposé une rubrique « perspectives » où s’y bousculent les talents et les idées de demain. Nous y avons trouvé l’article « Médiafiction » de Delphine Le Goff qui nous suggère un « travelling sur 80 ans de journalisme » ou comment aurait-on traité l’information il y a quarante ans, aujourd’hui et comment sera-t-elle traitée dans quarante ans ? Petit résumé…

Nuit de cauchemar à Paris. Une crue centenaire a fait sortir la Seine de son lit. De nombreux Parisiens se retrouvent sans toit, on circule en barque dans la capitale…


1971 : Les premiers sur les lieux ? Probablement les agenciers de l’AFP, Reuters, AP ou API (United Press International, disparue aujourd’hui), par lesquels démarre le bruit familier et obsédant des téléscripteurs…Mais aussi, dans le cas de l’Hexagone, « le localier de la presse régionale qui avant d’être sur place va faire le tour de la police et des pompiers par téléphone », note Patrick Eveno, historien des médias.
La paysage de la presse quotidienne offre peu ou prou les mêmes contours qu’aujourd’hui. Le Monde, Le Figaro sont sur le coup, comme L’Humanité qui avec une diffusion de 100 000 exemplaires, jouit encore d’une présence puissante. Mais celui qui, vraisemblablement, va tous les coiffer au poteau c’est France Soir, le plus réactif, le plus agressif, ce serait sans doute trouvé extrêmement rapidement sur le terrain.

Cinq heures pour relayer l’info

Autour du téléphone, c’est la foire d’empoigne ! Il y a quarante ans, lorsqu’on est bloqué sur le terrain, on « téléphone » son papier. Une sténographe prend alors le texte en note. Mais finalement ce serait un jeu d’enfant comparé aux photos. Il fallait développer les pellicules, ce qui induit un retard supplémentaire. Y compris en télévision. C’est l’ère de l’ORTF, dont le règne se poursuivra jusqu’en 1974, avec trois chaines, et la rapidité d’un mastodonte : les caméras font 50 kilos, les équipes comprennent au minimum 4 personnes, avec des cars-régies de 5 tonnes et 8 mètres, ce qui en fait le média le moins mobile.
Finalement, la palme de la rapidité sur la catastrophe parisienne reviendrait très probablement à la radio.

2011 : « Si l’inondation parisienne se produisait de nos jours, ce ne serait pas un média traditionnel qui traiterait en premier l’information », estime Eric Scherer, directeur de la prospective chez France Télévisions. « Les citoyens de la zone, les pompiers, les sauveteurs ou encore les militaires auraient déjà donné l’information directement sur les réseaux sociaux. En quelques minutes, les témoignages texte, photo et vidéo proliféreraient, que ce soit sur Twitter, Flickr et You tube ».
Le localier d’antan, supplanté par le citoyen lambda sur le terrain et muni d’un IPhone. Tous ne s’accordent pas sur l’apparition du « crowdsourcing » ou l’explosion de la production d’information par les citoyens.

La dictature du temps réel

Selon Hélène Bekmezian, journaliste au Monde.fr, « le moment où la donne a réellement changé, c’est pendant le tremblement de terre d’Haïti, en 2010. Tout à coup, les réseaux sociaux ont fait office de moyens de communication entre les citoyens, ce qui préfigurerait l’explosion de Twitter ou de Facebook pendant la révolution arabe. »
Il y a cinq ans, l’on s’interrogeait sur des problématiques telles que « Tous journalistes ? » ou « Chacun va-t-il devenir son propre média ? ». On en est plus là…le débat blogueurs contre journalistes n’a plus cours, il existe plutôt une fertilisation réciproque ». Même constat pour tout ce qui relève du crowdsourcing.

2051 : la conclusion est sans appel : d’ici à 2040, « les journaux traditionnels auront disparu dans le monde et seront remplacés par des supports numériques ». Ce sombre augure provient de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), une agence de l’ONU basée à Genève.

Vers l’info-prédiction

2051 verra-t-il l’avènement du « data journalism » (journalisme de données) ? « Dans quarante ans, sur un événement comme l’inondation parisienne, je pourrais savoir combien de personnes sont présentes sur place, grâce à leur puce de mobile, avoir accès aux registres d’hôpitaux en temps réel, me connecter à une camera du domaine public », selon David Bianic, rédacteur en chef de Geek Magazine, « bientôt un journalisme prédictif. La science se rapproche de plus en plus du journalisme, ce qui devrait permettre , par un faisceau d’indices ou des modélisations, de prévoir les évènements comme cette crue parisienne. On pourra écrire des articles de prépresse, comme publier des sujets sur les plans d’évacuation avant qu’une catastrophe ne se produise. »

Une autre facette, le journalisme devra se faire toujours plus pédagogue. Il sera de plus en plus fondamental de donner du sens rapidement, par une visualisation poussée des données, quitte à s’adjoindre les services de designers et de développeurs.
Nombreux sont d’ailleurs ceux qui prévoient l’explosion du « newsgaming ». Soit l’information traitée sous forme de jeux vidéo. Le Monde.fr a ainsi mis en ligne un jeu permettant de se mettre dans la peau d’un candidat PS.
L’université américaine Georgia Tech développe actuellement des modules de jeux applicables au journalisme. En 2051, Electronic Arts ou Ubisoft seront-ils les nouveaux Time Warner ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire